La ville
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De la préhistoire à l’histoire
La découverte en 1972 d’une urne cinéraire datant du 1er Âge du Fer (environ - 700 av. J-C) par M. Pudal dans le quartier des Cigales a mis la puce à l’oreille d’enfants du pays, amateurs d’histoire locale. Partis sur cette piste, ils ont trouvé les traces plus anciennes des chasseurs-cueilleurs du Mésolithique1 : des armatures de flèches en silex datées de -7000 ans av. J-C ! Les preuves d’habitats organisés de l’Âge du Bronze au Moyen-Âge continuent de se découvrir de-ci de-là dans le Brassenx2, tout comme celles de pratiques liées à l’échange, parfois sur de longues distances, de matériaux divers, pierres à tailler, métaux, goudrons, nourriture…
Dès le IIe siècle de notre ère, les peuples aquitains affirment leur identité faite de traditions ancestrales fortes : partis en ambassade à Rome, ils obtiennent de l’Empire romain d’être « séparés des Gaulois »3 pour former l’Aquitania novempopulana1 ou province des Neufs Peuples. Les antiques voies romaines facilitent les relations commerciales mais aussi les grandes invasions du IIe au Ve siècle. En 418, pour obtenir la paix, Rome décide d'installer en cette terre le « redoutable peuple en armes des Goths »4. Leur aristocratie guerrière, les Vesi (également appelés Wisigoths : les Goths sages), obtient que, pour plus d’un siècle, les Goths détiennent le pouvoir chez les Neuf Peuples et construisent des résidences royales, notamment à Aire-sur-Adour. Morcenx garderait de cette histoire la trace d’un notable Goth, Maurichio(+suffixe –ingos) dans sa dénomination5.
Avec le haut Moyen-Âge, la Novempopulanie change de nom pour devenir la Wasconia puis, au fil des siècles, la Vasconie et enfin la Gascogne6. La région est christianisée et le tissu social se structure autour des paroisses et des juridictions, situation qui va perdurer jusqu’à la fin de l’Ancien régime. Dans la baronnie du Brassenx, la vie est réglée par des « coutumes »7 qui « reflètent l’image d’un droit adapté aux besoins d’une population jouissant d’une grande liberté dans un espace en voie de colonisation ». Tout est dit : le Landais se veut libre tandis que, et cela jusqu’au Second Empire, les Landes font partie des « nouvelles conquêtes » du pouvoir central, terres incultes à coloniser pour, dit-on, améliorer les conditions de vie de ses habitants.
Les XVIIe et XVIIIe siècles.
De vastes lagunes et marécages développés autour du Bès séparent le Morcenx de l’époque, Morfens ou Morsens (1) entouré de nombreux quartiers (Péchoune, Nadon, les Vignes, Compagnon, Massip, La Houresse, Serres, Le Toye, Cachen…) du quartier de Cornalis plus au nord (1’). L’actuel Morcenx (2) se situera à l’ouest de Cachen (3), dans une lande humide semée « parcs à moutons ».Lieu de passage de la transhumance à la Crous de Couraou8 (4), Cornalis est aussi peuplé que Morcenx, possède une chapelle et une ancienne commanderie, Commanday. Le domaine de Moré (Mores, 5), une caverie9 du XVIIe siècle, y figure également.
À Cornalis comme à Morsens, la vie est essentiellement agro-pastorale. Des moutons, cochons et volailles, des « petites cultures » adaptées à un sol pauvre : millet, panis, seigle et sarrasin, un peu de maïs… avec pour conséquence des habitants qui peinent à assurer leur autosuffisance alimentaire.
En 1765, Etienne de Lafargue10 constate que les Landes sont la région de France où il y a le plus de « colons » (métayers). Il rapporte leur témoignage : « Sian pas que tròp de monde en aqueste país (nous ne sommes que trop de monde dans ce pays) ». Dix ans plus tard, Guillaume Desbiey11, bourgeois landais et receveur des fermes du Roi à la Teste, défend un projet de culture du pin maritime dans une région qui ne peut soutenir de « grandes cultures » comme celle du blé. Il pense nécessaire de construire de bonnes routes et des canaux dans les Landes pour permettre aux productions locales, et surtout au bois, d’être vendus.
Le domaine de Moré.
Au XVIIIe siècle, il appartient à Dame Marie-Anne Duvignac d’Amou, Dame de Mimizan et descendante d’une puissante lignée. Le domaine de Mauré12 couvre alors 770 ha et comprend, outre le « château », 5 maisons de brassiers (brasseries), 21 métairies, des landes à pâturer et des forêts. Madame d’Amou décède en 1761 ; ses biens sont acquis entre 1761 et 1766 par Jean Luxey13, riche fermier de Cornalis. Son fils, Jean Luxey, fait des études de droit, devient notaire royal puis l’un des « jurats de Brassenx en Tartas ». A ce titre, il est en charge de rédiger les cahiers de doléances de Morcenx intitulés « Remontrances pour les paroisses des Grandes Landes, faites par les habitants de Morcenx ». Préludes à la Révolution, les cahiers de doléances14. font état de « l’Etat déplorable où se trouvent réduites les paroisses de la Grande Lande (…) la production des terres de ce pays , qui ne sont qu’un sable mort, qui ne peut parvenir à faire produire un peu de seigle et d’un petit grain qu’on appelle millet et panis dont l’espèce est de la dernière qualité » Le 2 novembre 1790, Jean Luxey est élu Président du Directoire des Landes. Au Premier Empire, il est maire de la commune. Son fils Pierre-Salvat Luxey, propriétaire de Moré, lui succède comme notaire à Morcenx.
En 1852, quand Louis-Napoléon Bonaparte devient l’empereur Napoléon III, des terrains situés au nord du domaine de Moré seront rachetés aux héritiers Luxey par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi pour y implanter la gare et les avenues qui vont la border.
Actuellement, le domaine de Moré est propriété de la commune de Morcenx. Les dépendances du château, agrandies, ont permis d’installer le restaurant scolaire et le Centre de Loisirs. Un arboretum complète le parc qui s’enrichit tous les ans de nouvelles plantations.
Le XIXe siècle, 1er âge d’or de Morcenx.
Morcenx se déplace et devient Morcenx-gare.
La Révolution redessine durablement l’image de la France en 83 départements. Dans les Landes, Morsens est devenu Morcenx et compte 7 à 800 habitants. Mais c’est le Second Empire qui va redistribuer les cartes avec, dans les Landes, la loi de 1857 et le développement du train.
De prime abord, l’article 1er de la loi de 1857 16 porte sur des questions sanitaires : « les communes devront assainir et planter d'arbres les landes communales soumises au parcours du bétail. C'est là une dérogation au droit qu'ont eu jusqu'à ce jour les communautés de jouir et de disposer des landes qui leur appartiennent comme bon leur semblait (…) ». Les travaux d'ensemencement restent limités à 1/12ème douzième de la surface chaque année et il est prévu que les troupeaux puissent regagner les terrains nouvellement boisés après un certain délai. De fait, elle aboutira à l’aliénation des communaux par l’administration puis, à terme, à la spéculation foncière. Le domaine impérial de Solferino (7) se veut être un modèle pour une sylviculture moderne : c’est le début de l’âge d’or du pin maritime16. Il fera la fortune des grands propriétaires qui seuls ont la capacité de planter pour 50 à 80 ans. Les métairies se multiplient dans la lande, les métayers devenant aussi résiniers.
Le règne de Napoléon III, c’est aussi l’arrivée du train à Morcenx17 et tout va s’accélérer. La construction du réseau ferré de Bordeaux à Bayonne est due à de riches banquiers, Émile et Isaac Perreire, fondateurs de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. Avec elle, Morcenx et les communes environnantes vont conjuguer capitalisme foncier et industriel. On décide d’implanter la gare de Morcenx au milieu d’une lande humide semée de « parcs à moutons » en raison du double avantage, pense-t-on à l’époque, de ne pas aliéner les terrains du bourg tout en aménageant un embranchement vers Mont-de-Marsan et Tarbes, passant par Arjuzanx, chef-lieu de canton (6).
Il faut d’abord drainer la lande, établir des routes et chemins à partir de la voie ferrée, souvent le long des fossés d'assainissement. Au nord de la gare, ce drainage s’est fait, et il continue de se faire, par le ruisseau de la Gare qui se jette dans le Bès ; au sud, c’est le ruisseau de Toyes et à Moré, le ruisseau de Mons. La nouvelle ligne et la gare de Morcenx sont inaugurées en 1854, magnifique gare à verrière et dont le buffet est réputé.
La gare de Morcenx est un carrefour vital, non seulement pour le développement du commerce et de l’industrie du bois, mais aussi du tourisme naissant vers la Côte d’Argent, le Pays basque et le Béarn. Le trafic prenant de l’importance, les négoces, les usines puis, les hôtels et les maisons d’habitations s’implantent autour de la gare par l’acquisition de terrains appartenant alors à la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. En effet, les Frères Perreire, en gestionnaires avisés, ont su anticiper sur le développement de ce nouveau quartier en devenant propriétaires de terrains rattachés au domaine de Moré, appartenant jusque-là aux héritiers Luxey. Sous couvert de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi, ils sont à l’initiative du plan de la ville nouvelle selon le schéma en damier de la « cité idéale »18, telle qu’une ville moderne se doit d’être conçue. Ville contrastée, il s’y mêle des quartiers ouvriers, des usines et des maisons de notables. Cela commence par les logements des ouvriers du chemin de fer, une banque hébergée dans le Château Delvaille construit en 1860 par un proche des frères Perreire.
La mairie, jusqu’alors située au bourg, est transférée au quartier de la gare en 1886 et Morcenx s’est inscrit dans les mémoires comme Morcenx-gare, l’ancien Morcenx devenant Morcenx-bourg. Morcenx supplante Arjuzanx en devenant chef-lieu de canton en 1888. La population ayant plus que doublé, la ville a besoin d’écoles, d’une église et d’une mairie. En effet, depuis 1886, la mairie et la justice de paix sont hébergées dans le groupe scolaire. Mais il faudra attendre le siècle prochain pour la construction du Complexe Municipal.
Les écoles
Dès 1864, l’école de la Compagnie des Chemin de fer du Midi reçoit les enfants du chemin de fer. Ecole d’avant-garde, elle incite les élus de la commune à décider, en 1882, la construction d’un groupe scolaire répondant aux exigences de la Troisième République : deux écoles accueilleront, à la rentrée de 1884, les garçons et les filles de la commune pour un enseignement gratuit, laïc et obligatoire tel que voulu par les lois de 1881 et 1882. Très vite, ces écoles vont devoir être agrandies afin de permettre l’accès à l’enseignement pour tous. Ce sera un chantier permanent pour la commune dans les décades à venir.
Les églises
Les élus de Morcenx, alors à Morcenx-bourg, obtiennent en 1859 la reconstruction de l’église du Bourg. Il faut attendre 1883 pour que tous les corps constitués s’accordent sur le fait qu’il en faut aussi une à Morcenx-gare. La construction, commencée en 1889, s’achève en 1895-96. De style néo-roman/néo-byzantin, son clocher élancé domine Morcenx à l’ouest, en perspective de la gare.
Les mutations économiques et sociales du XXe siècle.
Le changement de siècle est marqué par une petite révolution longtemps passée inaperçue : l’invention du film souple pour la photographie et avec elle l’explosion des échanges par cartes postales. Pourtant, c’est grâce à ces petits cartons aux couleurs souvent fanées que chacun peut garder des témoignages précieux de la vie d’avant.
Nombre de ces cartes racontent le début des pèlerinages à Lourdes : les pèlerins viennent de la France entière et le trajet est long, imposant l’arrêt en gare, dans un Morcenx en plein essor. Ils y achètent des cartes postales, très souvent signées de Ferdinand Bernède, photographe à Arjuzanx, et peuvent faire halte place de la Liberté, au Café de la Paix, le temps d’écrire et de poster : « Vendredi 28 août 1901 – 8h1/2 » ; « Morcenx 8 hres Matin Samedi, Ma chère Jeannette, Notre voyage se passe très bien : temps superbe, pas fatiguées, nous arrivons à Lourdes vers 3 hres… ».
Elles nous permettent aussi de savoir comment, très vite, le centre-ville va se structurer autour de cette place et des édifices publics : une superbe gendarmerie, située alors derrière l’actuelle Mairie, une poste et des commerces.
Les industries liées à la forêt : le bois et les dérivés de la résine
A Morcenx, l’âge d’or du pin maritime va durer jusqu’aux années 30. Suivront les années de crises conduisant à la Seconde Guerre mondiale et les années difficiles de l’après-guerre. Dans les années 1900 et en synergie avec la gare, l’exploitation de la forêt entre dans l’ère industrielle. La gare compte alors plus de 300 cheminots et le chemin de fer fait de Morcenx une plaque tournante du transport des poteaux, des bois usinés et des produits issus de la résine.
La Grande Guerre et les années « folles »
L’électrification du pays et l’exploitation des mines de charbon, en France comme en Angleterre, accroissent la demande en poteaux d’autant qu’éclate la Grande Guerre et, avec elle, la nécessité de « boiser » les tranchées. Ainsi, paradoxalement, le conflit de 14-18 stimule l’exploitation de la forêt.
En 1918, comme partout en France, Morcenx compte ses morts : 124 tués laissant de nombreuses veuves et plus encore d’orphelins. Le pays fait son deuil : on fait une souscription pour ériger un Monument aux Morts et on se promet que ce sera la dernière.
Commandé au célèbre sculpteur Robert Wlérick, il porte témoignage des morts pour la France tous les 11 novembre.
Au début des années 1920, Morcenx connait l’apogée de l’exploitation du pin maritime. L’industrie du bois soutient l’économie avec cinq scieries implantées en ville et des scieries mobiles en forêt. On fait la fête et il y a même un hippodrome situé à l’emplacement du quartier du Hort.
Aux usines de la ville et à leurs vastes séchoirs, le travail de caisserie, les parquets et lambris… En forêt, la scierie mobile est installée à proximité d’un point d’eau et c’est le négociant en bois qui dirige le chantier dont il est très souvent l’ouvrier indispensable, le limeur. Le temps de débiter sur place la « coupe de pins » en planches, pavés de bois et traverses de chemins de fer, la scierie déménage vers un autre chantier.
À Morcenx, comme dans toute la Lande nouvellement couverte de pins, la récolte et le travail de la gemme emploie de très nombreux résiniers qui travaillent souvent en familles ; Morcenx compte plusieurs ateliers de produits résineux pour sécher la colophane et distiller la résine… A cette époque, c’est six wagons-citernes d’essence de térébenthine qui partent de la gare tous les jours.
Aux métiers de la forêt s’ajoutent tous les commerces et artisanats d’un gros bourg rural, permettant à la ville de faire vivre plus de 3000 habitants. Parmi les métiers d’antan, il y a les ateliers de fabrication des pots de résine, deux bouchonneries, les usines de Gustave Lacorne, qui fabriquent des bouchons de qualité, expédiés vers Bordeaux et Cognac, ainsi que des sous-couches de liège aggloméré pour les revêtements en linoleum, sans oublier des ateliers de fabrication de paillons pour bouteilles qui ont laissé à Morcenx la salle de la Pailleuse…
La prospérité aidant, la ville se dote d’une salle des fêtes qui jouxte le groupe scolaire auquel s’ajoute une école maternelle, actuelle médiathèque. De plus, les écoles de filles et de garçons sont agrandies d’une classe chacune pour accueillir les enfants de la Compagnie du Midi dont l’école a brulé.
Tout va basculer au début des années 30. La France se ressent vite, et elle s’en ressentira longtemps, des effets de la crise boursière de 1929, le krach de Wall Street aux États-Unis. La baisse des prix entraine le ralentissement des productions agricoles et industrielles, avec leur conséquence, un chômage qui va croissant. A Morcenx, la banque du château Delvaille ferme.
La crise de la résine et la fermeture progressive des scieries de Morcenx
Dans les Landes, cette crise se concrétise par l’importation à moindre coût des bois et résines venant de pays limitrophes. Pour les résiniers19, c’est l’aggravation d’une situation qui était déjà précaire en 1907 et d’une lutte qui va durer plus de 50 ans. Dans les années 30, les gemmeurs se syndiquent et, sous l’impulsion de Charles Prat, notamment, ils se fédèrent en une Union Départementales des Syndicats confédérés des Landes dont le siège 20 est fixé à Morcenx en 1938. Les résiniers manifestent le 18 mars 1934 à Mont-de-Marsan, le 28 février 1937 à Morcenx, le 10 mars 1953 à Mont-de-Marsan, le 22 juillet 1963 à Morcenx. Malgré le soutien de la plupart des communes landaises, manifestations et grèves n’y feront rien : l’exploitation de la résine va cesser progressivement après-guerre, l’une des conséquences du déclin d’un secteur économique liée à une production forestière traditionnelle.
L’industrie du bois va résister, le temps de se reconvertir, mais les usines implantées en ville ou à proximité, usines de sciage et de transformation du bois, ferment les unes après les autres. Les établissements Beyria ferment en 1953, à la suite il est vrai du décès de son fondateur Camille Beyria dit « Camilot ». L’usine Lacaze connait des difficultés dès les années 60 et dépose le bilan en 1976, malgré une tentative de reprise en Coopérative. Les établissements Saint-Jours, créés en 1911, envisagent une extension en 1969 et cessent leur activité à la fin des années 80. De l’autre côté de la voie ferrée, dans l’actuel quartier de Cigales, il ne reste plus rien de l’usine de Bernard Lespez, à Gironsacq, et de celle de Maurice Labadie au Cachen.
Les écoles et le complexe municipal de Morcenx : des constructions compliquées par la guerre
Avec l’arrivée du Front Populaire, une municipalité radical-socialiste est élue en 1935. En faisant édifier le premier château d’eau, près du presbytère, les nouveaux élus affirment leur volonté d’améliorer les conditions de vie de tous.
Dès 1937, un cours complémentaire mixte prépare les élèves de Morcenx et des environs au brevet d’enseignement du premier cycle (BEPC) et aux concours de l’administration. Mais sa construction est retardée par l’entrée en guerre de 1939 et les élèves sont hébergés dans deux classes mixtes de l’école des garçons. Après-guerre, les écoles « débordent » des enfants du baby-boom. En attendant le bâtiment du cours complémentaire, dont la construction est différée à 1950, le dispensaire accueille les élèves des CP 1 et CP 2 tandis que les enfants nés dans les années 40 sont scolarisés dans la salle de la Bourse.
Morcenx, qui a déjà participé à l’accueil des réfugiés fuyant la guerre civile en Espagne, va ouvrir ses portes aux Alsaciens : l’entrée en guerre leur donne obligation d’obéir aux ordres d’évacuation et de se réfugier dans le Sud-Ouest de la France. En 1939, 253 d’entre eux venant d’Hegenheim descendent du train et sont immédiatement accueillis dans les familles morcenaises. Ils seront bientôt plus de 600 ; des liens se tissent ; le jumelage des deux villes se fait en 1980 et la rue des Ecoles est rebaptisée « Allées Hegenheim ».
Le projet de création d’un complexe municipal commence à prendre corps. Confié à l’architecte Franck Bonnefous, il parachèvera un siècle d'architecture et d'urbanisme républicain aboutissant au centre-ville actuel. Les travaux commencent en 1939 mais ils sont ralentis par l’entrée en guerre ; une ordonnance allemande les arrête en 1942. Il faudra attendre l’après-guerre pour que l’ensemble des bâtiments soit achevé. Implantés en symétrie de part et d’autre de la place Léo Bouyssou, ses bas-reliefs dus au sculpteur Lucien Langlade, illustrent la vie dans les Landes et ne laissent pas le promeneur indifférent. Côté nord, on trouve la mairie, le cinéma, et la salle de la Bourse (lien) ; côté sud, la poste, un marché couvert avec fronton (actuel « centre Jean Jaurès »), la justice de paix et un dispensaire (actuelle école de musique).
Les bâtiments sud du complexe municipal seront modifiés au fil du temps pour répondre à aux besoins croissants en salles de réunion et salle de formation ; à ce titre, le centre Jean Jaurès accueille l’atelier informatique de la commune (l’AMI).
Après le retour des prisonniers de guerre, Morcenx a besoin de construire et de se reconstruire alors que l’on manque encore de tout. En 1946, le groupe folklorique « Lous Cigalouns de Mourseuns » est créé. La Société musicale de « La Cigale » s’est amplement développée ; il lui faut un kiosque à musique, décision prise par la commune en 1948.
La Distillerie Nationale de Morcenx
La décade 45-50 reste difficile à Morcenx. On cherche des solutions à la grande précarité du monde des ouvriers et des gemmeurs. On en trouve une dans la construction d’une Distillerie Nationale, rattachée au service des poudres de l'armée. Le procédé consistait à extraire de l’alcool de bois de la sciure, lequel alcool servait à son tour à la fabrication d'explosifs. Cet alcool était exporté sur la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles. Construite sur des terrains expropriés à l’usine Saint-Jours, la distillerie employait plus de trois cents ouvriers. Occupée par les Allemands durant la guerre, elle devient vite obsolète. En juin 1946, on envisage de lui donner une seconde vie dans le cadre des travaux menés sur la fabrication d’antibiotiques21. Le scientifique François Jacob, qui a la responsabilité scientifique du site de Morcenx, rapporte ces faits dans ses mémoires : « L’idée était simple. Elle procédait d’un syllogisme : les Anglo-Saxons produisaient leur pénicilline dans de grandes cuves à fermentation or il existait de grandes cuves dans certaines poudreries ; donc on pouvait, on devait même y faire de la pénicilline. L’ennui, c’est que l’idée n’était pas réalisable, il fallait à peu près dix minutes pour s’en apercevoir »: les cuves du site de Morcenx n’étant pas en acier inoxydable ne pouvaient être stérilisées et, conclut François Jacob : « pas un gramme de pénicilline ne fut cultivé à Morcenx ». Les essais de production de tyrothricine échouent vraisemeblablement pour les même raison. La distillerie est abandonnée au milieu des années 50 ; l’usine Saint-Jours cesse progressivement toute activité dans les années 80 … difficile de reconnaître dans les salles dites « du Maroc » d’anciens séchoirs à bois et dans le plateau sportif « de la Distillerie », sa piste d’athlétisme et le skate-park, une friche industrielle de l’après-guerre.
La Centrale d’Arjuzanx
Durant les années 1960-90, Morcenx va connaître un nouvel âge d’or avec l'implantation sur le site de Cantegrit d’une centrale électrique utilisant un gisement de lignite22 dont les réserves sont estimées à 60-70 millions de tonnes sur les communes de Beylongue et Arjuzanx. Sa mise en chantier, en 1958, ne se fait pas sans l’opposition des petits et grands propriétaires, futurs expropriés. Elle est mise en marche le 22 décembre 1959 et peut fournir 250 MW en 1964. Dès 1971, on parle de fermeture et la situation se tend à partir de 1973. La direction d’EDF demande l’arrêt de l’exploitation des gisements et, si ce n’est l’arrêt, la transformation de la Centrale avec un passage au fuel ou au gaz. Dès lors commence une partie de bras de fer entre la direction d’EDF et les employés de la Centrale. Ils défendent une production nationale en franc constant alors que le premier choc pétrolier renchérit les coûts de l’énergie. Ils sont soutenus dans les années qui suivent par différentes personnalités politiques parmi lesquelles le nouveau maire de Morcenx, Henri Scognamiglio, par toute la population de Morcenx qui craint la fermeture des commerces et même, par le curé de la paroisse23 qui s’adresse au premier Ministre d’alors, Raymond Barre. L’exploitation continue et la Centrale atteint sa pleine charge nominale en 1977. En 1983, des signes d’épuisement des gisements, ou l’éloignement de nouveaux sites exploitables, relancent la question de la rentabilité de la Centrale, quelle que soient les hypothèses envisagées. Les manifestations et les grèves n’y peuvent plus rien : le 27 mars 1987, la décision est prise d’arrêter l’activité.
De 1959 à 1992, la Centrale EDF a transformé la ville : Morcenx connaît alors sa plus forte expansion. Les cités se multiplient, un collège est construit, puis une piscine, un centre de formation des apprentis, un lycée professionnel et des équipements sportifs… En 1975, la ville compte 6068 habitants. Mais ce développement a un prix : près de 3000 hectares bouleversés par l’exploitation du lignite ; des familles obligées de couper leurs racines… la Maison du Site24, à Arjuzanx, rend compte de l’impact de l’exploitation du lignite sur l’environnement et sur la vie des quartiers. Il faudra attendre plus de 20 ans pour que la Nature retrouve ses droits.
Les années noires.
1992 : la Centrale est fermée ; la ville va perdre le cinquième de sa population. Pour les anciens ouvriers et représentants syndicaux de la Centrale, cette fermeture amène à de nouveaux combats liés au reclassement des ouvriers licenciés et à la défense de ceux qui sont touchés par les maladies dues à la présence d’amiante sur le site (lien avec l’article - la Bourse).
1999 et 2009 : deux tempêtes à 10 ans d’intervalle ravagent les forêts privées et le domaine communal. En 2009-2010, les arbres affaiblis subissent très vite une attaque massive de scolytes25 qui sèchent les arbres encore debout. On exploite, on stocke, on regorge de bois.
Vers les technologies du XXIe siècle : une ville en constante mutation.
La gare de Morcenx, témoin de l’histoire de la ville
Morcenx serait resté un bourg landais sans histoire si une gare n’y avait pas été implantée en 1854. Depuis cette date, elle en a vu passer des trains, cette gare ! En 1857, elle est reliée à « l’Etoile de Mont-de-Marsan », nœud ferroviaire pour les voyageurs en route vers le Gers et le Béarn. Dès lors, elle connait un développement important, tant pour les voyageurs venant de la France entière que pour le fret. Nombre de voyageurs des Landes et du Gers se souviennent encore comment le train de nuit « La Palombe bleue » les déposait au petit matin en gare d’Austerlitz, à Paris.
Grâce à sa ligne droite de quelques 80 km entre Lamothe, au sud du bassin d’Arcachon, et Morcenx, elle inscrit en 1955 une page d'histoire avec les premiers essais de trains à grande vitesse26 : on y fait circuler deux rames expérimentales tractées par les BB9004 et CC7107 et la vitesse plafond de 331 km /heure est atteinte. A Morcenx, le quai est noir de monde : journalistes, cinéastes, radioreporters sont là pour enregistrer ce premier record mondial.
Aujourd’hui, les TGV la traversent à grand fracas et il faudra la tempête « Martin » de 1999, les voies étant coupées par les arbres déracinés, pour qu’ils s’y arrêtent. Morcenx, fidèle à la tradition, accueille les voyageurs étonnés de voir, en pleine nuit, les cafés, les salles de réunion et le dortoir du lycée s’ouvrir jusqu’à ce que les voies soient dégagées et l’électricité rétablie. En 2010-12 encore, la gare est là pour que soit acheminée vers les usines des Landes, les ports de la côte sud, vers l’Europe du Nord et jusqu’en Chine, une partie au moins du 1 000 000 m3 de bois abattu lors de la tempête « Klaus ».
Dans les années 70, le trafic et le triage ralentissent et on parle de fermeture de la gare. Finalement, on lui donne une seconde jeunesse et, en 2013, une nouvelle inauguration a lieu. Grâce au développement des T.E.R., la gare permet à Morcenx de garder cet atout majeur de désenclavement, avec des facilités de transport données aux lycéens et étudiants vers les grandes métropoles de l’Aquitaine et d’ailleurs.
Les mutations du XXIe siècle
Elles vont se ressentir dans tous les domaines, d’autant plus que les industriels et les gestionnaires auront su les anticiper. Dans les domaines de la sylviculture et de l’exploitation de la ressource, l’arrivée de nouvelles pratiques et technologies redonnent à la forêt de Gascogne des perspectives de développement : bois d'ouvrage, bois de trituration destinés aux usines de panneaux et aux papeteries, bois d’énergie… on parle même de relance du gemmage.
Les sites industriels du Massip et de Cantegrit ont repris vie : l’usine FINSA produit du « MDF » de qualité et la société INERTAM, dédiée à l’inertage de l’amiante, diversifie sa technologie dans la mise en marche en 2014 de CHO-Power, site pilote de production d'électricité à partir de déchets industriels banals (DIB) et de biomasse. Dans le même temps, soutenue par les acteurs publics (Région Aquitaine, conseil Général des Landes et FEDER), la commune de Morcenx a pris l’initiative depuis 2001 de mailler la ville d’un réseau de fourreaux permettant la réalisation d’une infrastructure de fibre optique, le réseau ROMEX, permettant depuis 2012 la liaison « Très Haut Débit » des établissements publics et des particuliers.
Le collège Henri Scognamiglio de Morcenx est reconstruit et le Centre de formation des apprentis rénové, ainsi que le Lycée Jean Garnier. Les équipements sportifs et la médiathèque sont rénovés. L’arboretum (lien) et le domaine de Moré s’enrichissent de nouvelles plantations tous les ans. Le plan de reboisement de la forêt communale est achevé (lien).
La ville tient bon et approche des 5000 habitants des années fastes : tous les ans, elle accueille de nouveaux morcenais qui, fuyant la vie trépidante des grandes villes, souhaitent néanmoins en rester proches et le sont grâce au train.
Territoire landais en perpétuelle reconversion où, pour l’écrire, la petite histoire bien souvent se mêle à la grande, celle de Morcenx illustre aux mieux ce qu’en dit le poète : « Ces deux aspects de la vie : le passé et le présent se tiennent. Pour comprendre et aimer un pays, il est nécessaire, à notre avis, de les joindre et d’en parler sur le même plan » (Jean-André Jeannin, 1889-1969).
- Seuls les noms de régions ou de lieux d’écriture ancienne sont donnés en italiques ; les citations d’auteurs sont reprises entre guillemets. MERLET, Jean-Claude (2012). Actualité des recherches archéologiques en Brassenx. Les Amis du Brassenx, bull. N° 18, pp. 9-13.
- Le Brassenx, l’une des ‘jurades’ de la Grande Lande du XVIIIe siècle, correspond aux territoires d'Arengosse, Arjuzanx et Morcenx.
- BOYRIE-FENIE, Bénédicte (1994). Carte archéologique des Landes 40. Acad. des Inscriptions et Belles-Lettres, Ministère de la Culture, Paris, ISBN 2-87754-033-2
- GOULARD, Renée (1996). Les goths parmi les neuf peuples au Ve siècle. Lapurdum [En ligne], 1 | 1996, mis en ligne le 01 septembre 2010, consulté le 21 novembre 2015. URL : http://lapurdum.revues.org/1892
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